Avertissement : texte long et bourré des articles de loi, mais très édifiant.
Cet article vient en complément de celui publié en 2017 et que vous trouverez ici. Le texte de 2017 reprend une lettre de la DGCCRF concernant l’utilisation des fleurs fraîches pour la décoration des gâteaux. Toutefois, il y a encore des personnes qui pensent qu’on peut arranger la réglementation afin de réaliser (à moindre coût), les si jolies gâteaux fleuris tant courus sur Insta. et Cie.
La règle des listes positives
Ceux qui soutient en dépit du bon sens que les fleurs de fleuriste lavées sont sans danger oublies un truc très important : la législation européenne impose dans l’alimentaire le principe dit « de listes positives« . Autrement dit : ce qui n’est pas expressément autorisé est interdit. Ou plus simplement : si vous ne trouvez pas sur l’emballage une allégation similaire à « compatible contact alimentaire », « comestible »… ou le pictogramme équivalent, le produit en question ne doit pas se trouver en contact de votre gâteau.
Un nouvel ingrédient, matériel ou objet en contact avec un gâteau, un végétaux introduit dans les denrées, un additif… ne peut être utilisé qu’après :
- avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA);
- avis du Comité permanent, des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux de la Commission européenne et consultation du Conseil et du Parlement européen ;
- publication d’un règlement d’autorisation au Journal officiel de l’Union européenne précisant les modalités d’emploi (doses et denrées dans lesquelles il peut être employé).
Dans l’Union européenne, il n’existe pas de procédure centralisée pour l’autorisation d’utiliser des plantes dans les aliments. Leur utilisation doit se conformer aux exigences générales énoncées dans la réglementation, qui établit les principes généraux et les exigences de la législation alimentaire. Pour nous, il s’agit de la loi française. Celle-ci attribue aux vendeurs (donc pâtissiers dans notre cas) la principale responsabilité juridique en matière de sécurité des produits placés sur le marché. Faisons, pour un moment, fi de la loi et de ses listes positives.
Je souhaitais aller plus loin dans ma compréhension des textes. J’ai eu cet automne un échange des mails avec la DDPP de Grenoble sur le sujet. Plus qu’édifiant, cet échange me permet de renouveler mon affirmation que les fleurs classiques de fleuristes (sans mention « comestible » ou « contact alimentaire» en bonne et due forme) sont strictement interdites en contact alimentaire, sur les gâteaux destinées à la commercialisation et bien sûr, déconseillées sur les gâteaux « maison ».
Les fleurs n’appartenant pas à la pharmacopée traditionnelle: des nouveaux aliments
Commençons avec le début. Je vous laisse faire la lecture du premier mail sur la capture d’écran.
Le mail reprend en expliquant plus en détail les informations que j’avais données auparavant (premier article). Il dit également quelque chose d’important : « il convient de considérer les fleurs d’autres plantes (variétés de plantes) comme relevant du Règlement (UE) n°2015/2283 relatif aux nouveaux aliments». Si on lit ce règlement, on trouve l’article (21) qui stipule : « De nouveaux aliments ne devraient être mis sur le marché ou utilisés dans des denrées alimentaires destinées à la consommation humaine que s’ils sont inscrits sur une liste de l’Union regroupant les nouveaux aliments autorisés à être mis sur le marché dans l’Union (ci-après dénommée «liste de l’Union»). » (Oh, de nouveaux ces fameux listes qui n’inscrivent pas les fleurs de fleuriste !!).
L’article (33) du même Règlement (UE) n°2015/2283 apporte des précisions : « Les nouveaux aliments sont soumis aux exigences générales en matière d’étiquetage établies dans le règlement (UE) no 1169/2011 ainsi qu’à d’autres exigences en matière d’étiquetage applicables de la législation de l’Union relative aux denrées alimentaires. Dans certains cas, il peut s’avérer nécessaire de prévoir que l’étiquette comporte des informations supplémentaires, notamment en ce qui concerne la description de la denrée alimentaire, son origine, sa composition ou ses conditions d’utilisation prévue, afin que les consommateurs soient suffisamment informés de la nature et de la sécurité du nouvel aliment, notamment en ce qui concerne les groupes vulnérables de la population. »
Si nous continuons la lecture des textes officiels on apprend que :
« Sans préjudice des mesures spécifiques visées à l’article 5, les matériaux et objets non encore mis en contact avec des denrées alimentaires lors de leur commercialisation sont accompagnés des indications suivantes:
- a) la mention «convient pour aliments», ou une mention spécifique relative à leur emploi […]
- b) s’il y a lieu, les instructions particulières qui doivent être respectées pour un emploi sûr et approprié
- c) le nom ou la raison sociale et, dans tous les cas, l’adresse ou le siège social du fabricant, du transformateur ou du vendeur responsable de la mise sur le marché établi dans la Communauté,
- d) un étiquetage approprié ou une identification permettant la traçabilité du matériau ou objet, telle que visée à l’article 17 […] »
Je ne suis pas sure que généralement les fleuristes sont en mesure de fournir ces informations et surtout une étiqueté ou facture attestant que leurs fleurs sont «compatibles contact alimentaire » , « comestibles » ou qu’elles « conviennent aux aliments ».
Des sophismes en guise d’argumentation
Passons au deuxième mail.
Il reprend et détaille ce que je viens de dire ci-dessus, mais il pointe également une chose importante : « Je vous confirme qu’une étude reposant sur un unique lot de produit et de matériaux au contact des denrées alimentaires ne permet pas de généraliser la pratique dès lors que les constituants sont différents. »
Cela veut dire, que si vous ne prenez pas en compte la base de la loi (et ses listes positives) et vous testez un lot des fleurs de fleuriste pour prouver leur innocuité sur votre gâteau, votre test vaut pour ce lot et uniquement pour ce lot. Vous devez à chaque fois prouvé la non dangerosité du produit, car un des éléments (la fleur) n’est pas spécifiquement autorisé en contact alimentaire… Vous ne pouvez pas généraliser votre test unique sur d’autres variétés des fleurs, des fleurs venant d’autres fleuristes ou d’autres cultivateurs. Vous devriez refaire le test pour chaque gâteau, dès que la fleur change, le lot, le fleuriste, le cultivateur… Par ailleurs, dans tout étude on prend en compte une moyenne des résultats et non pas un cas unique.
On me rétorque souvent qu’on met bien des fruits bourrés des pesticides sur les gâteaux. Je leurs conseils d’acheter plutôt localement, en plein saison. Cette remarque est un exemple classique de sophisme. N’oublions pas que les fruits ne sont pas cultivés avec les mêmes traitements avant et après récolte et que la réglementation est bien plus contraignante et suivie en agriculture destinée à la consommation humaine que dans le cas des fleurs de fleuriste.
Pour finir, une petite anecdote : INSEE classe les jardineries et les fleuristes dans la catégorie « commerce non-alimentaire » (source insee.fr).
Je vous laisse lire de manière plus approfondie les articles de loi que la DDPP m’indique dans leur mail. Je vous encourage fortement leur écrire si vous avez d’autres question concernant le sujet. Ils sont très à l’écoute et très pédagogues. Pour tout ce qui est liée à la législation et aux bonnes pratiques, le bon réflexe est la DDPP et la DGCCRF, pas des légendes urbaines distribuées sur Facebook. Je vous conseil également la CTMP comme source d’information complété et fiable. Par ailleurs, leur réponse sur le sujet rejoint celles de la DGCCRF et de la DDPP.
Ou acheter des fleurs naturelles comestibles?
Pour ceux qui souhaitent respecter la réglementation en vigueur en France, l’achat des fleurs comestibles est assez aisé. Si vous êtes un professionnel, METRO fournit une large gamme de fleurs comestibles, pratique et simple pour commander. On trouve ces fleurs également en fonction des saisons au Grand Frais et chez certaines primeurs (sur commande pour avoir une fleur en particulier). On peut également les trouves parfois dans les épiceries haut-de-gamme ( comme La Grande Épicerie ou Lafayette Gourmet pour ceux qui habitent Paris).
Mon bonheur est sur le net. Nombreux producteurs français de très belle qualité nous proposent un catalogue bien fourni, avec à peine 48 heures de délai de livraison : Des heures dehors (mon préféré), Marius Auda et bien d’autres.
N’hésitez pas à me laisser vos commentaires et informations supplémentaires sur le sujet ici ou sur ma page Facebook. Je vous en remercie.
2 Responses
Bonjour Valentina,
merci pour cet article 😀
Bonjour,
Cela faisais plusieurs semaines que j’avais eu les mails, mais j’ai complètement oublié. Hier après-midi on m’a persuadée de le faire et j’ai prit le temps de le rédiger. Je vais régler le problème des photos très rapidement.
A bientôt. 🙂